prix  de  poésie  du  monde  français  et  francophone
         Poète, dramaturge, essayiste, Jean-Pierre Siméon est né en 1950 à Paris. Professeur agré-gé de lettres modernes, il est l’auteur de nom-breux recueils de poèmes, de romans, de livres pour la jeunesse et de pièces de théâtre. Il a créé en 1986 la Semaine de la poésie à Clermont-Ferrand. De 2001 à 2017, il a été directeur artis-tique du Printemps des Poètes et, de 2001 à 2019, poète associé au Théâtre National Popu-laire de Villeurbanne. Actuellement, il est prési-dent du jury du Prix Apollinaire et directeur de la collection Poésie/Gallimard.

Il a enseigné à l’Institut Universitaire de formation des Maîtres d’Auvergne, à l’École Nationale supé-rieure des Arts et Techniques du Théâtre, à Sci-ences Po Paris.

Ses recueils de poèmes ont été publiés chez Cheyne éditeur et Gallimard et ses pièces de théâtre aux Solitaires Intempestifs. Son œuvre poétique lui a valu de nombreux prix dont le Prix Maurice Scève en 1981, le Prix Antonin Artaud en 1984, le Prix Apollinaire en 1994, le Prix Max Jacob en 2006, le Prix international Lucian Blaga en Roumanie, le Grand Prix du Mont-Saint-Michel pour l’ensemble de son œuvre, l’International Contemporary Poetry Award en Chine en 2021, le Grand Prix de poésie de l’Académie française en 2022.

Jean-Pierre Siméon est l’auteur notamment de l’essai La poésie sauvera le monde (Le Passeur), qui a connu un grand succès critique et public, et du recueil Lettre à la femme aimée au sujet de la mort (Poésie/Gallimard). Dernières parutions : Pour un théâtre qui tient parole (Les Solitaires in-tempestifs, 2017), Politique de la beauté (Cheyne éditeur, 2018), Levez-vous du tombeau (Galli-mard, 2019), À l’intérieur de la nuit (Cheyne édi-teur, 2021), Petit éloge de la poésie (Gallimard, 2021), Une théorie de l’amour (Gallimard, 2021) et La flaque qui brille au retrait de la mer (Pro-ject’îles, 2023).

I

Éloignons-nous, mon amour
de la vase qui prend les pieds
non pour vivre un ailleurs
de pourpre et d’or
mais pour que l’oreille scrute
où le pas sonne juste
quand il va sur la dalle nocturne
de nos vies

nous savons depuis l’enfant
repris dans les pleurs
à ses jeux d’aveugle dans la vague
que nulle part il ne fait beau
longuement

nous n’avons qu’un ciel
le même pour la tiédeur et la flamme
le même pour la guêpe et l’ouragan
et il admet la buée fraîche du matin
sur la mort

éloignons-nous donc sans quitter
avec notre cœur martelé de savoir
et la mémoire bondée du désastre

éloignons-nous de nos journées mourantes
où l’on pense sans colère et sans hâte
comme on range son sommeil entre les draps

il s’agit de descendre au secret
dans les rues basses
sans plus de lumière
que l’averse
du premier jour retrouvé
comme font retour les amants
dans leurs serments de salive et de sueur
à la nuit parfaite
eau bruissant dans l’obscur

puis lourdement habillés du monde
revenons à nos pas quotidiens
avec aux lèvres la loi violente du poème



II

De quoi vit donc un paysage
et de quoi va-t-il mourir ?
Regarde : la peau de la rivière
s’éprend de tes hanches
puis tu quittes la rive
un chant de fraîcheur dans la bouche

alors oui tu t’absentes
mais un pli demeure
dans sa course vivante

n’est-ce pas mon amour que la rivière
continue avec toi
et que ce qui mourut en elle
à l’instant où tu t’éloignais en riant
ce n’était rien

une forme désormais habite
sa rumeur
l’empreinte d’une joie
qui est comme le secret que la mère pose
sur le front de l’enfant
avant qu’elle l’abandonne
aux choses de la nuit

Toute vie est un paysage
tout amour sa rivière possible
et puisse être la mort
cette chemise d’eau qui glisse du bras
après la nage
et que soit la tristesse
cette lumière répandue dans l’herbe
qui fera le soir venu
un autre ciel à la mémoire



III

L’été un soir endort ton visage
il n’y aura plus de matin à la fenêtre

seul un oiseau qui ignore tout
du vol et du chant
regarde fixement
posé sur ta main

peu à peu le silence
qui fut à la parole
ce que la branche est au vent
sèche et tombe
poussière déjà sur le sommeil

il s’agit alors
de sortir de tes pas de tes mots de ton visage
de ce temps qui fait corps

long amour qui tombe de la peau
comme un sable au retour de la plage

tombent aussi
le bruit et l’odeur des gestes
qui furent tantôt ton saccage
et tantôt ta beauté

l’esprit à cet instant
est ce qui sur un pont se penche
sans vertige

tu es à toi-même ton enfant
comme un ciel berce sa nuit
ce que tes doigts éperdument
étreignent dans le drap
c’est la joie du premier âge
et la voix ultime et douce
de ceux qui la connurent
et l’aimèrent dans tes yeux

tu sais tout cela
car souvent si souvent
tu as appris à oublier
et l’oubli est la première rive de la mort


Poèmes extraits de
Lettres à la femme aimée au sujet de la mort
Cheyne éditeur, 2006

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   Guillaume Apollinaire


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